Troisième dent de la Meije, Face Sud directe (Ecrins)

Publié le par Benjamin Vedrines

Troisième dent de la Meije, Face Sud directe

Le 26 juillet 2012

Diaporama des photos sans légendes ici

Voici les nouveaux topos plus lisibles :

PARTIE SUPERIEURE :

Topo de la voie Dibona à la troisième dent

PARTIE INFERIEURE :

Topo de la voie du bastion central

 


Le récit :

Angelo Dibona, un nom qui résonne fort dans le massif des Ecrins. Arête de Coste Rouge à l’AIlefroide, couloir Mayer Dibona au Dôme des Ecrins, ou encore l’Aiguille Dibona, beaucoup d’alpinistes sont passés sur les traces de ce grand nom de l’histoire alpine. Né en 1956, ce guide de haute montagne Autrichien puis Italien à la suite de la Première guerre Mondiale, fut l’un des pionniers dans l’ouverture d’itinéraire d’escalade de difficulté.

Sa fougue et son talent sont même présent sur la Reine Meije. Un tracé judicieux et louvoyant menant à la troisième dent des arêtes de la Meije prouve le fort caractère du personnage. Il fut ainsi le premier à ouvrir une voie dans cette immense face Sud.

Le 28 juillet 2012, c'est le centenaire de cette voie de grande ampleur.

A cette occasion d’anniversaire, nous sommes donc allés placer les bougies de cet évènement en vue d’un rassemblement de jeunes et plus anciens grimpeurs fin aout à la Bérarde, durant lequel nous soufflerons tous ensemble les bougies de ces cents grandes et belles années.

 Notre aventure

Le Mardi 24 juillet nous remontons la vallée des Etançons, et finissons par arriver au Promontoire, perché sur l’arête du même nom, à 3092 mètres. Le lendemain, mercredi, le grand Pic est couvert, une cordée d’américains doit aller faire les Marseillais. En vue de tous ces facteurs, nous décidons de ne pas s’engager dans la même voie, que nous avions prévue de faire à l’origine, pour ainsi aller grimper « Nous partirons dans l’Ivresse ». Une magnifique grande voie rocheuse très bien équipée en très bon rocher, une ballade fort sympathique de 3h10 nous mène au sommet de la face. Les rappels se passent bien. De retour au Promontoire, l’heure d’un petit repos avant demain se fait ressentir.

DSC03612

"Nous partirons dans l'ivresse"

DSC03614

"Nous partirons..."

DSC03608

La Barre, jamais bien loin...

DSC03621

 A gauche le campement des demoiselles, en bas le Promontoire, une belle ambiance !

DSC03623

Le Rateau

Cette après-midi, deux prévisionnistes de météo France sont venus partager leur travail avec les nombreux alpinistes présents aujourd’hui. C’est l’occasion de mieux connaître ceux qui compte tant pour nous grâce à leurs prévisions essentielles en montagne. Un débat intéressant duquel nous ressortirons plus riches.

DSC03640

Les deux prévisionnistes et Fredi

Nombreux aussi sont les guides réunis dans ce refuge à l’ambiance exceptionnelle. Et nombreuses seront les réponses aux questions que je me posais.

Après cette belle journée, direction le dodo, dehors, dedans c’est complet ! Les matelas bien répartis, tout le monde passe une excellente nuit sous les étoiles avec un temps plus que clément !

DSC03633

Petit repérage de la veille

DSC03637

Une cordée sur la voie normale en repérage aussi pour le lendemain

DSC03645

Magnifique formation au dessus des Rouies, un beau spectacle éphémère...

DSC03642

Bonne nuit !

Le Jour J

3h30, il est l’heure. Un peu de lait, des céréales, du pain, de la confiture, du thé. Ça y est, la machine est parée.

Un au revoir aux gardiens, et nous partons vers notre objectif. Pour l’attaque nous avons décidés la solution du rappel. Heureusement nous n’avons pas coincé de corde, mais à l’inverse nous avons failli, et en tirant celui coincé, des pierres sont tombées, endommageant dangereusement un brin. Heureusement, ce n’est pas au milieu.

L’approche se fait très tranquillement, la nuit enveloppe encore le massif. Nous arrivons alors encore bien frais à l’attaque repérée l’avant-veille en montant. Mais le soleil tarde, nous nous préparons sans pressions.

La frontale bien allumée, nous commençons les premiers pas à 5h15.

Enfin, dans la traversée horizontale, la lumière naturelle prend le relais des leds, pour notre plus grand plaisir.

DSC03651

Le dièdre d'attaque et Mat dans la traversée

DSC03653

La traversée

DSC03656

Mat dans la longueur après la traversée

Une traversée et une longueur suivante qui mettent toutes deux directement dans l’ambiance, génialissime.

Puis nous prenons pieds sur le socle du bastion, la partie la moins verticale. En corde tendue nous profitons du peu de difficultés pour gagner du temps. En chemin quelques pitons parsèment les rochers, preuve que les hommes ont un flair commun. Un piton sur une terrasse nous paraît être le relais avant une évolution plus verticale. Je m’engage alors dans une longueur dure, un piton indiquant le chemin, pour finalement redescendre en traversant sur la gauche. Une longueur « pour rien » donc, qui n’aura servi qu’à nous montrer qu’ici, çà ne rigole pas trop… Le moindre erreur peut être très handicapante, surtout si la sagesse de faire demi-tour ne vient pas à l’esprit. Sans doute nous étions trop à gauche.

DSC03660

Dans la partie moins raide

Après cette courte section stressante, heureusement Mat trouve le relais en une très belle variante donc. Nous pouvons souffler et nous concentrer sur la suite. Encore une belle longueur en V, avant d’arriver sous le bastion vertical. Deux longueurs permettent de contourner les difficultés par la droite. Après 1 longueur nous nous trouvons à seulement quatre longueurs du sommet du bastion. Le topo Camp to Camp indique un mauvais itinéraire (avant le 26 juillet 2012), et grâce à Nathalie et Frédi, nous trouvons le vrai relais de la vraie voie, ouf encore !

DSC03667

La longueur avant le dièdre

DSC03669

Très bon rocher !

DSC03676

La grande longueur de 60m après la traversée horizontale à droite

DSC03678

Au départ de R9

Une belle longueur et une traversée horizontale, suivie d’une fin tout aussi plaisante nous hissent enfin au sommet. Nous ouvrons les sacs, buvons un coup, mangeons un bout. Un petit coup d’œil sur la montre. Nous ne sommes pas en retard, 5h10 pour le bas, tout va bien.

Après cette brève pause, nous repartons en route pour la suite qui promet d’être encore plus riche en émotions. Effectivement nous n’oublions pas une seconde que nous sommes là, presque 1 siècle après Angelo et ses compagnons, sur ses traces. En corde tendue nous progressons jusqu’au relais à l’extrémité droite de la vire sous le toit. Ici commence réellement cette immersion dans l’histoire. Je descends sur les pointes des pieds dans ce large couloir qui ne donne en aucun cas envie. Et c’est peu dire, la rive droite est intégralement recouverte d’une fine pellicule de glace. Heureusement, la ligne passe à droite, en rive gauche. Pour passer, je tape un morceau de glace, pour m’offrir une prise de plus et, en prime, un piton apparait. Emprisonné dans ce monde de glace, il me tend son œil pour que j’y glisse une dégaine bien utile.

DSC03681

Accés à la partie supérieure

DSC03677

La voie Normale, une cordée tente l'aventure de la Meije

DSC03686

Sous l'énorme toit

DSC03688

Dans le couloir, Mat sort des difficultés

DSC03689

La longueur qui suit, Mat s'apprète à sortir du couloir part la droite

Les pieds n’en peuvent littéralement plus, les chaussons, synonymes de confort technique, sont bien loin du confort tout court.

Enfin nous quittons ce couloir où, tout en haut, pend une stalactite qui ne demande qu’à tomber. Une longueur en dièdre fort sympathique, puis un de nouveau un couloir légèrement glacé nous amène face aux dernières  longueurs. Le soleil brille généreusement, tout déroule, tout coule de source. Chaque pas pour nous est source de fascination pour ces étrangers venus de loin, gravir ici ces dièdres et cheminées très hauts perchés, à plus de 3500 mètres, un engagement total, avec un matériel à minima.

DSC03697

Un des deux dièdre entre R18-R19

DSC03699

Fort sympathique

DSC03709

Dans le couloir après R19

DSC03713

Mat tout petit dans cette imensité entre R19 et R20

DSC03721

Encore une belle escalade...

Après une longueur, nous arrivons à la bifurcation entre la sortie originale et les deux autres sorties possibles. Nous laissons sur notre gauche la sortie originale pour arriver à l’aplomb de la célèbre fissure terminale, gravi par Eddi Stofer.

DSC03722

Presque une copie du Cambon "Ouest" ! Après R20

DSC03732

La cordée dans la Pierre-Allain, sortie presque en même temps...

DSC03741

La Célèbre Stofer, une belle affaire !

DSC03744

Encore quelques mètres et c'est tout bon !

Cette variante est tout autre qu’une variante. C’est une longueur à faire, une longueur qui clôture à merveille cette aventure alpine.

Pour mon erreur d’itinéraire en bas du bastion, je laisse Mat s’y élancer, son plaisir sera là tout du long, jusqu’à crier de joie, main sur l’arête. En second aussi je trouverai dans cette longueur le bonheur du vide, le plaisir de se hisser en haut de cette incroyable muraille.

DSC03746

Dans ces moments, on savoure, tout simplement...

L’aventure se termine, nous avons mis 8 heures et 15 minutes.

Il ne nous reste maintenant qu’une descente, mais pas n’importe laquelle. Il faut traverser les arêtes, tirer les rappels, passer un petit coucou à l’Aigle où nous retrouvons certains ayant fait la traversée, et enfin nous nous finissons les genoux en descendant jusqu’au Pont des Brebis, véritable torture non appréciable.

Non appréciable sera aussi la navette Jusque-là Bérarde, et encore moins appréciable fut pourmoi  le retour dans le pays Diois.

Il est minuit, je pars me coucher dans mon lit, la Meije en tête.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article